Histoire

L’acte de naissance

L’acte de naissance officiel du Carrefour des solidarités date de 1996. Mais lorsque les associations se retrouvent le 21 novembre 1995 dans les locaux de l’A.A.E. pour faire les dernières mises au point des futurs statuts du Carrefour, cela va faire près de dix ans qu’elles se rencontrent régulièrement et qu’elles travaillent ensemble dans le cadre souple du Collectif Alerte. Ce mardi là, il s’agit d’ailleurs d’une réunion du Collectif. Ce sont ces dix années d’expérience qui vont déterminer en réalité cette naissance. Ne rien en dire serait s’interdire d’en comprendre les raisons.

Le collectif littoral solidarité

Depuis 1986 en effet, une quinzaine d’associations humanitaires et caritatives de la région dunkerquoise se retrouvent régulièrement dans le cadre du collectif littoral solidarité.

La solidarité a beau être l’engagement commun de chacun, tout le reste les sépare, apparemment : leurs origines confessionnelles ou laïques, les philosophies d’intervention, les origines sociales de leur projet ou des personnes qui ont constitué leur association, leur plus ou moins grande ancienneté dans l’action sociale, le rattachement à un réseau national ou au contraire leur origine locale, les éventuelles concurrences que font naître la dépendance de beaucoup par rapport à l’aide financière publique. Malgré cela et parce que ce qui les réunit c’est leur proximité avec les gens pauvres, elles s’informent réciproquement de leurs activités. Elles échangent leurs expériences, exposent leurs problèmes et mettent en évidence les besoins les plus criants des exclus et des démunis.

Cela n’est pas toujours facile. Parler de ses projets ou de ses recherches, c’est s’exposer à les voir repris par d’autres sous des formes différentes. Comme la naissance des idées neuves est un phénomène assez mystérieux où l’air du temps a souvent à voir, on ne retirera pas de l’esprit de telle ou telle que certaines ont repris à leur compte le projet qu’on travaillait depuis quelque temps.

Le collectif solidarité littoral a cependant à son actif non seulement des échanges, mais aussi des réalisations communes. Il a été à l’origine de la mise en place du CARMESO, carrefour médico-social. Celui-ci est né d’un double constat. Les familles marginalisées en situation de grande pauvreté et d’exclusion craignaient la rencontre avec les institutions et, bien souvent, ne connaissaient pas leurs droits. Il fallait aussi maintenir le lien avec le médecin de famille, permettre à tous de rester dans le droit commun et refuser les formules qui marginalisaient et stigmatisaient les familles. La réponse imaginée par le collectif a été la création d’un lieu d’accueil au cœur de la Caisse primaire d’assurance maladie et d’un binôme composé d’un technicien conseil de la Caisse primaire et d’un travailleur social issu des associations, financé par l’Etat. Le refus de l’Etat de continuer à assurer ce financement et la mise en place de la Couverture Médicale Universelle mettront fin à cette expérience. Elle reste encore dans les mémoires associatives comme un exemple d’action efficace et pertinente.

C’est tout naturellement que les associations qui ont constitué le collectif littoral solidarité se retrouvent au début des années 90 dans la démarche nationale ALERTE et en constitue localement le noyau organisateur de la réflexion et des manifestations.

C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’elles annoncent fin 1995, leur intention de créer une nouvelle association.

« Fin 1994, face à l’augmentation de la pauvreté et de l’exclusion et dans le cadre de la démarche nationale ALERTE, une nécessité souvent ressentie est apparue de façon beaucoup plus impérieuse :

  1. Aller plus loin dans la connaissance réciproque, l’échange, la concertation, l’analyse des situations des plus démunis et des causes de l’exclusion.

  2. Aller plus loin dans la place qu’il faut rendre aux exclus pour leur redonner leur dignité et leur citoyenneté.

  3. Aller plus loin dans l’efficacité collective, pour être à la fois ALERTE et la force de proposition.

C’est pourquoi les associations humanitaires et caritatives ont voulu la création du « Carrefour des solidarités ».

Elles souhaitent ainsi se positionner comme interlocuteur auprès des instances compétentes : Communauté Urbaine, Conseil Général, Conseil Régional, Etat.

Nous partîmes quinze …

Nous sommes aujourd’hui près de quarante ! Les statuts de l’association ont dû évoluer pour s’adapter à l’intérêt grandissant qu’a suscité le réseau.

Le pragmatisme des débuts

Dès l’origine, c’est le pragmatisme et la nécessité de regrouper les véritables acteurs associatifs du travail auprès des plus pauvres qui ont prévalu. Mais le passage à une réalité associative qui nécessitait des règles communes garantissant une réelle vie démocratique posait d’autres problèmes. Comment réunir dans les mêmes statuts des entités aussi diverses que des entreprises sociales avec plus d’une centaine de salariés, des associations uniquement composées de bénévoles, voire des antennes, sans personnalité juridique identifiée, d’associations départementales ou nationales ?

La première solution adoptée dans les premiers statuts du Carrefour des solidarités a été de distinguer des associations membres de l’association et des groupements de personnes passant avec elle des conventions. Les termes des conventions ressemblaient d’ailleurs de très près aux obligations que les membres pouvaient avoir.

L’institution des collèges

A l’expérience cependant, d’autres questions de fonctionnement interne se sont posées. Comment permettre aux antennes locales sans personnalité juridique de mouvements nationaux de peser sur les décisions communes puisqu’elles ne siégeaient pas au conseil d’administration ? Comment faire en sorte que la voix des associations de bénévoles ne soit pas entièrement couverte par celle des associations ayant de la surface et des moyens ?

C’est pour permettre de répondre à ces problèmes qu’un premier changement des statuts est intervenu avant la fin des années 90. Il introduisait deux changements de fond.

Le premier changement concernait la qualité de membres de l’association. A côté des associations, il permettait à des personnes physiques ou morales d’être reconnues comme membres potentiels pourvu qu’ils fassent partie à une échelle autre que l’agglomération dunkerquoise d’un mouvement ou d’une association régulièrement constitués et dont l’objet était en cohérence avec celui des statuts du Carrefour des solidarités.

Le deuxième changement a été l’introduction de collèges différents. Chaque collège ayant le même nombre de représentants au conseil d’administration, cette disposition permettait que la variété des situations associatives, richesse essentielle du réseau, soit présente dans ses organes dirigeants. Quatre collège ont ainsi été introduits : celui des associations ayant plus de 10 salariés, celui des associations ayant de 1 à 10 salariés, celui de celles qui n’ont pas de salarié. Enfin, un quatrième collège rassemble les personnes qualifiées, choisies par le conseil d’administration pour leurs compétences ou leurs expériences spécifiques.

L’arrivée des C.C.A.S.

C’est dix ans après qu’un nouveau changement est intervenu. Estimant utile à l’objet principal du réseau, l’adaptation permanente des bonnes méthodes pour coller au plus près des besoins des personnes qui vivent la pauvreté, que se retrouvent autour d’une même table de travail non seulement les associations mais aussi les institutions, les membres du Carrefour ont créé un cinquième collège : celui des C.C.A.S.

Des évolutions encore à envisager

Chacun sent bien qu’autour de la table manquent encore des partenaires essentiels : les personnes qui vivent la pauvreté. L’intérêt de créer un sixième collège où elles seraient représentées a déjà fait l’objet de réflexions. Mais comment le réseau pourrait-il suivre cette évolution si chacun de ses membres n’entre pas d’abord dans cette dynamique ?

20 ans d’éducation populaire

L’une des fonctions remplies par le Carrefour des solidarités est de proposer aux bénévoles et aux salariés des associations de se former. Vingt ans d’expérience. Vingt ans d’éducation populaire.

Education populaire ! Ce n’est plus un mot très à la mode. Pourtant, c’est plus d’un siècle d’expériences à travers lesquelles se sont forgés les outils de la formation du citoyen de base. Et quand on regarde ce que le Carrefour des solidarités a mis en œuvre en matière de formation, sans en rester uniquement à ce qui pouvait porter le label de formation, pendant les vingt premières années de son existence, on retrouve les principaux ingrédients de l’éducation populaire.